20 - 22 mars 2024, Amiens (France)
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Conférenciers invitésEmmanuelle PORCHER Conséquences des changements globaux sur les populations et les communautés végétales
Emmanuelle Porcher, écologue et biologiste de l’évolution, est professeure au Muséum national d’Histoire naturelle, directrice du Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation. Ses travaux de recherche portent sur l’impact des activités humaines sur la biodiversité, notamment les plantes et leurs interactions avec les pollinisateurs. Elle caractérise les changements de la flore, et identifie les mécanismes responsables, grâce à des programmes de sciences participatives permettant un suivi standardisé à long terme. En 2023-2024, elle est titulaire de la chaire « Biodiversité et écosystèmes » du Collège de France. Résumé : La biodiversité change rapidement en raison des activités humaines et des multiples pressions sur les espèces et les écosystèmes qu’elles engendrent (perte d'habitat, surexploitation, pollutions, changement climatique...). Les impacts sur les plantes sont cependant souvent moins bien quantifiés que pour les animaux, et les mécanismes en jeu moins bien identifiés, en partie à cause d'un manque de suivis à long terme des communautés végétales. Je présenterai deux approches pour caractériser les changements récents des populations et des communautés végétales en France et en Europe : (1) un suivi à long terme via le programme de science participative Vigie-flore, qui s’appuie sur un protocole standardisé, et (2) des analyses de données opportunistes du Global Biodiversity Information Facility (GBIF). En combinant ces approches, nous montrons que le changement climatique et les modifications des interactions interspécifiques semblent être les principaux moteurs des changements actuels dans les populations et les communautés végétales, avec des effets tels que même des espèces communes pourraient être menacées d'extinction à terme.
Bruno HERAULT Modélisation des trajectoires Restauration des Forêts Tropicales : Un Cadre Intégratif
Bruno Hérault est chercheur au Cirad dans l’Unité Forêts et Sociétés. Il a une expérience de 20 ans de travail en zone tropicale (Amazonie et Afrique de l’Ouest). Dans une première partie de carrière, il a développé des recherches sur le fonctionnement des forêts tropicales et sur leur gestion durable. Depuis plusieurs années, il s’intéresse plus aux conditions de coexistence des forêts, des arbres et des hommes dans les territoires post-forestiers. Résumé : Malgré leur biodiversité exceptionnelle, leurs réserves de carbone et leurs rôles dans la régulation du climat mondial, plus de 80% des forêts tropicales sont perturbées à des degrés divers. De nombreuses interrogations persistent quant à la capacité des écosystèmes forestiers tropicaux à récupérer après avoir été soumis à diverses perturbations anthropiques temporaires ou permanentes. Alors que ces différentes perturbations sont généralement étudiées séparément, je partagerai un cadre de modélisation commun de la récupération des attributs de la végétation dans des forêts tropicales après perturbation. Le cadre de modélisation se distingue par : (i) son interprétabilité, avec des paramètres de modèle ayant une signification écologique claire ; (ii) sa robustesse, permettant de comparer les valeurs des paramètres entre les systèmes écologiques; (iii) sa polyvalence pour prendre en compte l'intensité de la perturbation à travers des changements post-perturbation dans une variable structurelle, soit comme données d'entrée, soit comme un paramètre transformé sans nécessiter de surveillance pré-perturbation ; (iv) sa flexibilité pour prendre explicitement en compte, et tester, les effets sur la récupération de la forêt de divers types de perturbations, le long d'un gradient d'intensité, dans un modèle intégratif unique. J'illustrerai l'intérêt du cadre de modélisation présenté en utilisant divers exemples provenant à la fois du bassin forestier amazonien relativement bien préservé et de l'Afrique de l'Ouest presque entièrement déforestée. Considérer les forêts perturbées dans un cadre commun devrait aider les décideurs à savoir quels types de perturbations doivent être fermement évités, quelle plage d'intensité rend les activités humaines durables sans compromettre l’environnement forestier, et où la régénération naturelle « passive » devrait être privilégiée par rapport à la restauration active, telle que la plantation d’arbres.
Jonathan LENOIR Réponses des communautés végétales aux changements climatiques d’origine anthropique : regards croisés et changement d'échelle entre macroclimat et microclimat
Jonathan Lenoir, écologue et biostatisticien, est chargé de recherche au CNRS dans l'unité Ecologie et dynamique des systèmes anthropisés (UMR CNRS 7058 EDYSAN) à l'Université de Picardie Jules Verne à Amiens. Il possède un double diplôme d'ingénieur forestier et de docteur en sciences forestières. Ses travaux traitent de l'impact des changements globaux sur la biodiversité, avec un focus plus particulier sur l’impact du réchauffement global des températures sur la biodiversité forestière. Ses travaux les plus récents portent sur la prise en compte des processus microclimatiques pour améliorer notre compréhension de la réponse de la biodiversité aux changements climatiques. En 2023, il a été récompensé de la médaille de bronze du CNRS. Résumé : La biodiversité végétale est omniprésente dans nos vies, elle est le socle du fonctionnement de nos sociétés. Seulement, cette biodiversité est aujourd'hui menacée par de nombreuses causes toutes liées, directement ou indirectement, aux activités humaines. Parmi ces causes, il en est une qui est de plus en plus encombrante : le réchauffement climatique d’origine anthropique. Pour comprendre les réponses des communautés végétales face à ce changement généralisé du climat, je présenterai une partie de mes travaux qui s'articulent autour d'un changement d'échelle selon deux points de vue ou regards. Mon premier regard est macroécologique : les espèces végétales ont tendances à migrer en altitude, vers les sommets des montagnes, en réponse au réchauffement global tandis que les communautés végétales en zone de montagne s'enrichissent en espèces plus thermophiles ou deviennent plus pauvre en espèces cryophiles (cf. processus de thermophilisation des communautés). Ce processus de thermophilisation des communautés végétales est beaucoup moins rapide pour les communautés végétales situées en plaine au sein desquels des retards de réponse sont observés. Cette dynamique de migrations massives est bien plus complexe qu’un simple déplacement vers les pôles et les sommets des montagnes, car les migrations sont conditionnées par les activités humaines. En plaine, la fragmentation des habitats freine la migration des espèces. Mon second regard implique une échelle plus locale, celle des microclimats, ce qui m'a permis de comprendre à quel point les données macroclimatiques actuelles ne permettent pas de capturer les processus microclimatiques – en forêt notamment – permettant à des espèces de se maintenir dans des régions, ou microrefuges, où le macroclimat n’est plus favorable. Intégrer les processus microclimatiques dans l’étude des réponses de la biodiversité au réchauffement global permet ainsi de déceler des corridors thermiques au sein de la trame verte et bleue et donc de comprendre certaines dynamiques de retards de réponses de la biodiversité forestière.
Marc-André SELOSSE Les plantes mangeuses de champignons mycorhiziens
Marc-André SELOSSE est professeur du Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 7205 ISYEB - Institut Universitaire de France) à Paris et aux universités de Gdansk (Pologne) et Kunming (Chine), où il dirige des équipes de recherche. Il a enseigné à Viçosa (Brésil) et est chargé de cours à l’Ecole Normale Supérieure, Science Po and aux Hautes Etudes Commerciales (HEC). Ses travaux portent sur l’écologie et l’évolution des associations à bénéfices mutuels (symbioses). Mycologue et botaniste, il travaille en particulier sur les symbioses mycorhiziennes qui unissent des champignons du sol aux racines des plantes. Président de BioGée, membre de l’Académie d’Agriculture de France et de l’Institut Universitaire de France, il est éditeur de quatre revues scientifiques internationales et de la revue de vulgarisation Espèce. Il a publié plus de 210 articles de recherche et 250 articles de vulgarisation, téléchargeables sur son site et une centaine de vidéos variées sont disponibles sous YouTube. Il a publié des ouvrages grand public sur les microbiotes (Jamais seul, 2017), les tannins (Les goûts et les couleurs du monde, 2019) et le sol (L’origine du Monde, 2021), ainsi que ses chroniques diffusées sur France-Inter (Petites histoires naturelles, 2021), chez Actes Sud. Il est co-auteur d’une bande dessinée sur le sol avec Mathieu Burniat (Sous Terre, 2021, Dargaud). Il a reçu le prix Homme-Nature de la Fondation Sommer 2020. Résumé : A particularity of orchids is their mycoheterotrophic germination, where reserveless seeds develop into a heterotrophic seedling, thanks to the colonization and carbon provided by a symbiotic fungus. The seedling later forms green leaves in most case: the fungus, generally belonging to the polyphyletic ‘rhizoctonia’ group, then turns into a purely mycorrhizal fungus, which then colonizes roots only. At this adult stage, most green orchids are believed to become autotrophic and to reward the fungus with their own photosynthetic carbon, as in most other mycorrhizal associations. However, some species rely on mycoheterotrophy at adulthood and are fully devoid of photosynthesis. Such an evolution of non-green species occurred many times in plant evolution, including ca. 50 times independently in the orchid family. It was more recently realized that some green orchids, phylogenetically related to mycoheterotrophic species, although photosynthetic, are partially mycoheterotrophic, a strategy called mixotrophy. In the later species, difference in isotopic abundance (13C) between fungal and photosynthetic carbon and the examination of albinos (rare achlorophyllous variants that survive in natura,using full mycoheterotrophy) were instrumental in the elucidation of mixotrophy. Moreover, some of these plants have poor photosynthesis, either due to shade (for forest species) or to functional limitations. Mycoheterotrophic and mixotrophic species rely on the symbiotic shifts from the usual rhizoctonia partners to taxonomically and ecologically different taxa, which are either saprotrophic (in the tropics mainly) or mycorrhizal on surrounding trees. Moreover, based on its phylogenetic distribution, mixotrophy can be viewed as an evolutionary step (or a predisposition) toward mycoheterotrophy. After three decades of researches, including more recently high throughput metabolomic and transcriptomic methods, we show that the evolution to mixotrophy is mostly based on genes present in autotrophic plants, at the expense of the physiological plasticity. Functional reversal to full autotrophy is even possible in some cases. The shift to full mycoheterotrophy is more challenging and entails an ‘up-side down’ reorganization of gene expression: mycoheterotrophic roots undertake the functions usually realized in autotrophic leaves (which evolve into reduced forms). This explains why albinos, the achlorophyllous variants found in mixotrophic species, are poorly fit and rare. The complexity of the shift to full mycoheterotrophy may have limited the emergence of plants cheating on the mycorrhizal symbiosis.
Alain VANDERPOORTEN Quelle part les changements de conditions climatiques et de pollution atmosphérique ont-ils joués dans la variation spatio-temporelle des communautés de bryophytes épiphytes ? Alain VANDERPOORTEN est directeur de recherche au FNRS à l'université de Liège. Il y enseigne la biogéographie et s'intéresse à la compréhension des mécanismes écologiques et évolutifs de la répartition des bryophytes et de leur capacité de dispersion dans un environnement changeant. Résumé : De par leurs caractéristiques écophysiologiques et leur position à l’interface entre l’atmosphère et la végétation, les bryophytes épiphytes ont été depuis longtemps utilisés comme des indicateurs de la qualité de l’air. La recolonisation spectaculaire de ces organismes depuis une vingtaine d’année a été parallèle à la diminution drastique des concentrations en SO2. Cependant, la variation concomitante de la concentration des autres polluants majeurs (NOx, NHx, O3, particules fines) ainsi que des conditions climatiques complique l’interprétation des facteurs responsables des changements floristiques observés. Nous avons réalisé une analyse diachronique depuis 1980 pour dissocier l’impact des conditions climatiques et des concentrations en polluants atmosphériques majeurs sur la variation historique de la composition floristique. Cette analyse a été complémentée par une évaluation de la contribution des polluants majeurs et des pesticides sur la variation spatiale des flores observées à l’heure actuelle. Les résultats montrent que les changements temporels de composition floristique au sein de la même communauté sont plus de deux fois supérieurs aux changements spatiaux de composition entre communautés à l’heure actuelle. Cette variation temporelle des flores est largement expliquée par la diminution des concentrations en SO2 et NO2 mais pas par la variation des conditions climatiques. L’absence de relation entre la concentration historique en polluants majeurs et la variation contemporaine des flores à l’échelle régionale suggère que les épiphytes présentent une capacité de dispersion suffisante pour recoloniser les aires qui leur sont favorables en quelques décennies. Nos analyses ont mise en évidence que la diminution drastique des polluants atmosphériques majeurs a permis l’émergence d’une ségrégation contemporaine des flores sur base de la variation régionale des conditions climatiques, même si d’autres polluants, en particulier les particules fines, jouent un rôle croissant. |
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